Musicologue reconnu, critique littéraire exigeant, linguiste méticuleux et créateur de mots croisés inventifs, Jacques Drillon est une figure incontournable du paysage culturel français dont la rigueur s’applique à des domaines d’expression aussi variés que complémentaires. À travers son parcours singulier, c’est toute une conception de la culture française qui se dessine : que ce soit dans ses ouvrages, dans la conception des grilles de mots croisés ou dans ses critiques musicales. On vous le présente.
Qui est Jacques Drillon ?
Intellectuel français aux multiples facettes, Jacques Drillon est né en 1954 à Paris. Sa vie témoigne d’un parcours riche et varié, marqué par une double passion pour la langue française et la musique.
Il réalisa des études supérieures de lettres et de cinéma à Nancy et à Metz. Il obtient alors un doctorat en 1993 avec une thèse intitulée « La loi formelle et son influence sur la création artistique et littéraire ». Cette base lui permet d’enseigner, à son tour, la linguistique à l’université de Cergy-Pontoise et la stylistique à l’université Paris VIII.
Jacques Drillon a un parcours professionnel qui témoigne d’une grande polyvalence. Il débute comme critique de cinéma dans « L’Écran Lorrain », donne des cours de musique puis s’oriente vers le journalisme culturel. Il devient alors producteur à Radio France et intègre l’équipe fondatrice du « Monde de la musique ». Sa carrière prend véritablement son envol en 1981 lorsqu’il succède à Maurice Fleuret comme critique musical au « Nouvel Observateur », poste qu’il occupera pendant plus de trente-cinq ans, jusqu’en 2017.
Durant sa carrière, il collabore avec beaucoup de médias comme « Le Monde », « Le Figaro », ou autres. En 2003, il prend en main la rubrique des mots croisés du « Nouvel Observateur » comme verbicruciste.
Il fut également reconnu dans le domaine de la musique dans lequel il a dirigé plusieurs projets d’enregistrements comme l’intégralité des symphonies de Beethoven par exemple.
Sa double compétence en linguistique et en musicologie, son exigence intellectuelle et son style incisif ont fait de Jacques Drillon une figure singulière dans le paysage culturel français, à la croisée de plusieurs disciplines artistiques et scientifiques.
Jacques Drillon et la langue française
Jacques Drillon a laissé un héritage intellectuel riche et multidisciplinaire dans le paysage culturel français. Sa contribution la plus durable reste sans doute son « Traité de la ponctuation française », publié en 1991, ouvrage devenu un incontournable pour les professionnels. Ce texte a eu un impact majeur sur les pratiques éditoriales, établissant des normes toujours utilisées aujourd’hui. Son approche méthodique et sa rigueur dans l’analyse de chaque signe de ponctuation témoignent de sa profonde connaissance de la langue française.
De même, dans l’enseignement, l’influence de Jacques Drillon est bien présente. Son approche de la langue française est étudiée dans les formations en lettres et en journalisme. Sa défense d’une langue précise, claire et rigoureuse résonne particulièrement à l’ère des communications rapides et parfois approximatives. Ainsi, il a su démontrer que la ponctuation n’est pas un simple ornement typographique, mais un élément structurant un texte.
En plus de ces deux activités, en devenant verbicruciste de la rubrique des mots croisés du « Nouvel Observateur », il impose son style. Connu pour concevoir des grilles compactes, de format 10 x 10 avec un nombre réduit de cases noires, maximum 6 à 7, Jacques Drillon fait preuve de rigueur et d’inventivité. Les définitions sont à la fois subtiles et humoristiques, offrant ainsi aux cruciverbistes des défis à la fois stimulants et divertissants. Pour lui, chaque définition contient deux indices se confirmant mutuellement.
Enfin, il a contribué aux débats sur l’évolution de la langue française, sans jamais s’enfermer dans ses pensées. Encore aujourd’hui, son œuvre est consultée, citée, étudiée.
Jacques Drillon, l’homme de musique
Jacques Drillon est un passionné de musique autant que de langue. La musique est, en effet, une composante essentielle de l’identité intellectuelle de Jacques Drillon. Formé dès le plus jeune âge au piano et à la théorie musicale, sa formation lui permet de maîtriser non seulement l’analyse des œuvres, mais aussi l’histoire des styles et des formes musicales.
C’est au « Nouvel Observateur » qu’il exerce son activité de critique musicale, pendant plus de trois décennies. Ses critiques ne sont pas simplement des comptes rendus de concerts ou de disques, mais plutôt une analyse approfondie avec des observations précises sur la structure des œuvres, leur contexte historique et les choix interprétatifs. Il avait une capacité à décrire avec des mots ce qui relève de l’expérience sonore.
Pour Jacques Drillon, la musique et la langue partageaient des préoccupations communes, à savoir le rythme, l’articulation, le phrasé et la ponctuation. Il établissait souvent des parallèles entre la ponctuation en littérature et les respirations en musique, entre la syntaxe d’une phrase et la structure d’une mélodie.
Ses œuvres majeures
Traité de la ponctuation française (Gallimard, 1991)
Il s’agit ici de son œuvre la plus célèbre et influente. Ce livre est devenue une référence dans le secteur de l’édition. Il y propose une analyse systématique, voir même un développement philosophique des signes de ponctuation.
Face à Face (Gallimard, 2003)
Ici, Jacques Drillon a écrit un livre plus personnel où il évoque la relation qu’il a eue avec son beau-fils décédé des suites d’une tumeur au cerveau. Il montre sa capacité à appliquer sa propre écriture, la rigueur stylistique qu’il défendait dans ses différents travaux.
Liszt transcripteur ou la charité bien ordonnée (Actes Sud, 1986, réédité en 2005)
Cette fois-ci, dans cet ouvrage, Jacques Drillon aborde le domaine de la musique avec une analyse fine du travail de transcription de Franz Liszt. Il met ainsi en avant la manière dont le compositeur a réinventé les œuvres qu’il adaptait au piano.
Cadence (Gallimard, 2018)
Récompensée par le prix Valery-Larbaud en 2020, cette autobiographie reflète une réflexion personnelle sur le parcours intellectuel et artistique de l’auteur. On peut retrouver tous les domaines dans lesquels il s’épanouit : la musique, l’écriture ainsi que les personnes qui ont marqué sa vie.
Conclusion
Jacques Drillon demeure encore aujourd’hui une figure d’exception dans le paysage intellectuel. Ses œuvres continuent d’influencer notre rapport à la langue et à l’art. Son approche rigoureuse de la ponctuation a révolutionné les pratiques éditoriales, tandis que ses talents de verbicruciste ont renouvelé l’art des mots croisés dans la presse française. Il incarnait une certaine idée de l’excellence intellectuelle.